La Critique : Assassin’s Creed Origins

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Testing Labs : Assassin’s Creed Origins, un jeu développé et édité par Ubisoft, et disponible sur Playstation, Xbox et PC depuis le 17 octobre 2017.

Alors que la franchise Assassin’s Creed subit un « soft-reboot » initié il y a déjà 4 ans, Assassin’s Creed: Origins d’Ubisoft Montréal est un énorme retour en arrière chronologique (avec son univers Égyptien). Le titre fut officialisé lors de l’E3 2017 pour une sortie seulement quatre mois plus tard. Pour Ubisoft, c’est un pas en avant en terme de design Open World, un trébuchement rapport à son système de leveling, un saut de l’ange en matière de combat et un moon-walk quand on aborde la variété des missions. C’est exactement le genre de jeu de jambes complexe qui mène à des accidents (pendant les séquences de parkour), mais d’une manière ou d’une autre, le jeu garde son équilibre tout du long (bien que ce ne soit pas tout à fait le nouveau souffle que j’attendais). Voyons de quoi il retourne dans ce 10ème opus canonique principal, qui est le 20ème Assassin’s Creed en comptant tous les épisodes annexes et les spinofs ! Zut, je me sens vieux à nouveau.

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La majeure partie du titre se déroule en Afrique du Nord, pendant le déclin de l’Égypte ptolémaïque vers 100 ans avant JC. C‘est l’histoire de Bayek, un Medjay en quête de vengeance, une sorte de policier d’époque qui protège le Pharaon et maintient l’ordre général dans la société égyptienne. Comme le veut la tradition AC, il y a bien un élément moderne (avec Abstergo, la vilaine entreprise VR) ainsi qu’une avalanche de documents « backstory », mais cela représente moins d’une heure dans un jeu de 40 heures et plus. Vous passerez également un peu de temps dans la peau de l’épouse de Bayek (Aya), qui fait preuve d’une vision très « méta » de toute cette histoire, un peu comme si Ubisoft apposait son propre jugement sur son modèle Open World essoufflé. Le parallèle est assez intrigant pour être signalé.

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Bayek lui-même est l’un des protagonistes les plus sympathiques de la série, fâché et bad-ass au possible mais pas contre une petite course de chars ou une partie de cache-cache avec les enfants. Mais avant d’en arriver à lui, parlons un peu du vrai personnage principal d’Origins : l’open world égyptien ! Autant couper court avec les polémiques, Ubisoft a fait un travail admirable de recréation en tentant comme dans tous les précédents opus, d’être au plus juste historiquement en présentant un cadre et une société dans son époque (qui respire le vrai, le tangible). Y a t’il malgré cela des anachronismes ? Oui, très probablement. Mais ce n’est pas une raison pour critiquer le travail d’orfèvre des développeurs et leur bon vouloir à recevoir un enseignement académique et universitaire (rapide, mais efficace) de la part de plusieurs spécialistes émérites. Je vous encourage d’ailleurs à vous procurer le livre « Au coeur de la Révolution – Les Leçons d’histoire d’un jeu vidéo » de Jean-Clément Martin et Laurent Turcot, tous deux chercheurs universitaires. Ce sont eux qui ont formé les équipes d’Ubisoft pour la recréation de Paris et du Quartier Latin dans Assassin’s Creed Unity . Ou encore, cette développeuse qui avait mis deux ans à modéliser la Cathédrale Notre Dame de Paris ! La même minutie et le même soucis du détail ont été mis en œuvre pour cet épisode égyptien.

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Graphiquement, le jeu est tout simplement magnifique. Le moteur maison AnvilNext 2.0 fait des merveilles avec un cycle jour/nuit de toute beauté, et des variations de l’illumination engendrées par les nuages eux-mêmes matérialisés par de vrais objets (un peu comme le fameux brouillard de San Francisco visible dans Watch Dogs 2). Ces avancés techniques résultent d’une étude publiée par la NASA sur les interactions des particules de lumière ! Rien que ça. On observe aussi des comportements variés et réalistes chez les NPCs (personnages non jouables). Par exemple, si vous vous attardez un peu, vous allez constater que toute une chaîne de métiers existe, que les artisans ont tous des interactions avec leurs collègues dans une suite logique d’événements et de comportements. Karak de la chaine Youtube ACG illustre cela à merveille dans son format « Walking the Walk « . Les animations des personnages sont plus ou moins réussies en fonction de votre plateforme de jeu (le rapport ? à 30fps et parfois moins sur Xbox One, on a du mal à discerner toutes les étapes, alors que sur PC à 60fps et plus, on profite de tout le travail de motion-capture réalisé par l’équipe Québecoise). Les textures ont été travaillées de la même manière, au cas par cas en fonction des plateformes. C’est très net sur PC, Xbox One X et PS4 Pro. Alors que les versions Xbox One et PS4 standard sont un peu « délavées » et affichent un léger flou global qui s’explique par une résolution inférieure au full HD sur Xbox One (elle affiche le jeu en 900p) et par un anti-aliasing très agressif qui ne peut pas être ajusté sur consoles. Enfin, le titre propose un système de photos intégré avec la possibilité d’ajouter des effets spéciaux et de partager vos clichés sur la carte du monde avec d’autres joueurs (ce sur toutes les plateformes). On apprécie le geste ! (même si sur PC les possesseurs de cartes Nvidia ont déjà accès à Ansel)

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Mais passé ces considérations techniques, la direction artistique et l’homogénéité globale sont vraiment les points forts du jeu. Les personnages dans les scènes cinématiques réussissent à transmettre tout un panel d’émotions variées et réalistes. Le doublage est d’excellente facture peu importe la langue (du moins en Anglais et en Français). La bande son est parfaitement dans le ton, sans être trop présente, elle est complémentaire à l’image avec des instruments d’époque et des mélodies orientales. Il reste à parler du terrain de jeu qui est l’un des plus vastes jamais représentés dans un jeu Open World (à part peut être Ghost Recon Wildlands ou Black Flag avec ses zones maritimes qui augmentaient artificiellement la surface totale). L’histoire de Bayek l’emmène des pyramides de Gizeh (tombant déjà en ruine) aux piscines sacrées de Karnak en passant par la maison du Dieu crocodile Sobek. On longe même le détroit du Nil jusqu’au phare d’Alexandrie ! C’est vraiment impressionnant et les fans d’exploration en auront pour leur argent. Les environnements sont variés, riches en lieux notables et en activités. On appréciera aussi le format des missions qui vous permet souvent de prendre votre temps entre deux étapes, pour profiter du paysage ou explorer les zones.

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En fait, le soucis principal vient des différentes manières d’interagir avec cet énorme open world. Autant c’est un ravissement pour les yeux, autant ne vous attendez pas à un renouvellement du genre dans la variété des missions. il y a essentiellement quatre genres d’activités tout au long du jeu : trouver un objet (ou du moins « suivre le checkpoint sur la boussole »), sauver des otages, acquérir des objets (ou les revendre/recycler) et le grand classique des assassins : tuer des cibles ! Et c’est vraiment dommage… on attendait clairement cet opus au tournant, avec un espoir de voir enfin le genre se renouveler et innover. La pause d’un an laissait présager du bon, malheureusement, la majorité des moyens ont été mis ailleurs : dans l’intégration d’un nouveau système de combat (on va y arriver, patience) et dans l’aspect esthétique et historique du produit (et à ce sujet, autant je suis tolérant pour les petites erreurs et anachronismes, autant en janvier quand sortira le DLC « Discovery Tour » (un musée virtuel) il faudra vraiment que le contenu et sa véracité historique soient irréprochables). Pour ce qui est des grands poncifs de la franchise, Ubisoft a tout de même fait le ménage en retirant les collectibles inutiles, les tours à escalader puis synchroniser tout en limitant les tâches annexes totalement « hors sujet » à cette époque. Rassurez-vous, on peut toujours faire le saut de l’ange dans des bottes de foin, synchroniser d’autres types de lieux et explorer des tombes à la recherche de trésors cachés.

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Venons en donc au deuxième grand changement de formule pour cet AC Origins : les combats. Mais avant d’aborder cette partie, il faut d’abord parler d’une autre nouveauté liée. Le jeu intègre dorénavant un système de progression « light-RPG ». Comprendre : avec une prise de niveaux, des objets dotés de statistiques, un arbre de compétences à trois branches (Arcs/Mêlée/Gadgets), sans oublier des ennemis et des lieux basés sur la même monté en niveaux que votre personnage. Cela permet de dérouler en pointillés l’histoire en vous forçant indirectement à accepter que certaines zones ne soient pas accessibles avant d’avoir « grindé » quelques niveaux et fait quelques missions principales et secondaires. Pour vous épauler dans cette tâche, vous pouvez compter sur votre fidèle dromadaire-mobilette (ceux qui ont suivi le RGS Live dédié comprendront). Votre aigle de compagnie intègre dorénavant le « pouvoir de l’aigle » à votre place, vous permettant de scruter les zones à distance et marquer les ennemis au loin, ce de manière bien plus diégétique que les autres opus.

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Enfin, vous avez accès à tout un tas d’armes et d’accessoires, permettant différents styles de jeu : furtif en utilisant le système de détection, à distance avec des arcs divers et variés, ou au corps à corps via les armes de mêlé. Le tout est épaulé par des compétences en tout genre (les gadgets de la 3ème branche). Bien entendu, vous pouvez revendre votre équipement, ou le recycler pour bénéficier des composants nécessaires à la partie « crafting » du titre (pour renouveler vos consommables, améliorer votre équipement ou votre inventaire). À ce sujet, le jeu propose à nouveau de chasser des proies variées à la manière d’AC3. D’ailleurs j’ai rarement vu un jeu qui a une telle faune sauvage (même les Far Cry font pâle figure à coté).

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Le combat de mêlé c’est donc ce grand pan de jeu qui a été revu de A à Z. Le corps à corps c’était un peu la bête noire de beaucoup de joueurs dilettantes de la franchise. Le défilé typique d’IAs lobotomisées qui se laissaient la priorité les unes aux autres c’était ridicule au possible, mais cela permettait d’équilibrer les confrontations en évitant que plus de 3 ennemis à la fois s’acharnent sur vous. Fini cette belle époque, maintenant on est sur un game-design beaucoup plus proche de Dark Souls, pour ne pas le citer. Autant gagner du temps, c’est clairement l’inspiration principale de cette refonte des combats. Et on ne leur reprochera pas de s’inspirer des meilleurs. Le problème vient plus de l’exécution. Autant pour votre personnage on retrouve les différentes animations et timings spécifiques en fonction des types d’armes, avec la gestion de l’endurance et des esquives rapides limitées. Autant pour ce qui est des ennemis, ils ne jouent pas dans la même catégorie que vous. Chez eux, pas d’endurance, pas de limite d’esquives et surtout c’est quasi impossible d’apprendre les timings ou de se fier aux animations… parfois le jeu zappe certaines « frames » et cela empire en fonction du nombre d’images par seconde de votre plateforme. Sur Xbox One, c’était tout simplement la loterie et je me suis retrouvé plus d’une fois à devoir matraquer le bouton « coup faible » ou « coup fort » en espérant l’emporter. Et maintenant, les ennemis ne font plus la queue-le-le pour vous tabasser, mais se jettent tous sur vous en groupe, avec bien sûr leurs amis archers qui se feront un plaisir de vous arroser à distance. Votre seule issue de secours : débloquer rapidement les compétences cruciales comme le « bullet-time » pour les tirs à l’arc sautés au ralentis, ou encore le « Parry » (contre) pour faire des dégâts critiques fracassants en contrant pile au bon moment. Une autre technique consiste à utiliser les armes qui possèdent une zone de frappe plus vaste, comme les lances qui touchent tous les ennemis présents dans un arc de cercle devant vous. Ça et tout l’équipement que vous pourrez glaner dans vos quêtes secondaires pour augmenter votre résistance et vos dégâts. On notera aussi le système de ciblage qui s’emmêle parfois les pinceaux en utilisant la direction de votre regard (pas celui de Bayek mais de la caméra à la 3ème personne) plus que de suivre la logique en sélectionnant l’ennemi le plus proche. Il faudrait tester si la version PC bénéficie d’un ciblage plus instinctif grâce à l’intégration du périphérique de tracking du regard, le Tobii Eye X.

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Pour ce qui est des déplacements et du parkour, Bayek renouvelle parfaitement le genre en proposant des mécaniques bien plus efficaces. On se retrouve moins souvent avec un personnage « glitché » dans un mur ou des animations « buggées ». Cela illustre tout le travail qui a été fait en dix ans à ce niveau. Maintenant votre avatar fait partie intégrante de cet univers, en adaptant sa course et ses mouvements au dénivelé et aux différents objets qui encombrent le terrain et les monuments. Il glisse sa main le long des murs qu’il longe, le tout s’enchaîne via des interpolations de mouvements très réussies. On perd le déplacement rapide du « lance-grappin » d’AC Syndicate, mais on y gagne en fluidité générale. La carte du monde permet facilement de se déplacer en utilisant le voyage instantané. On retrouve aussi des passages maritimes avec des bateaux à utiliser ou aborder, ainsi que les fonds marins qui sont exploitables. Par contre, pas de combats navales à la Black Flag vu la période historique.

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Arrive enfin le scénario et la progression de l’aventure. Comme précisé en introduction, suite à la mort de votre fils vous jouez un rôle clé dans l’ascension au trône de Cléopâtre. Avec l’aide d’autres figures historiques, vous affrontez une nouvelle force appelée l’Ordre des Anciens qui contrôle l’Égypte à travers le règne de Ptolémée XIII. Ce dernier est le frère cadet de Cléopâtre et est appelé «le Roi-Roi». Cléopâtre et Bayek doivent arrêter leur domination à tout prix. D’ailleurs dés le prologue un ensemble de 5 hommes masqués, responsables de la mort de votre fils, sont désignés comme cibles. C’est par ce levier scénaristique qu’on va découvrir l’origine de la création des Templiers. Je n’entrerai pas plus dans les détails ni dans la progression de l’histoire, pour ne rien vous spoiler, mais sachez que le jeu a beau être généreux en contenu, il est très avare en background « méta » (avec Abstergo, l’Animus…) et la création de la confrérie n’est pas forcément le point central du scénario. On citera aussi toute la partie « end-game », après le combat final, qui risque d’étonner voir de dérouter plus d’un joueur. Cela tend à montrer à quel point Ubisoft a de l’ambition pour cette franchise et sa suite qui arrivera inexorablement d’ici un an ou deux !

NOTE : 8/10 TRÈS BON (pour les fans de la franchise)
7/10 BON (pour les autres)

Points positifs :
– La star du show, l’Open World égyptien
– Le personnage de Bayek
– Le cycle jour-nuit et la direction artistique générale BLOCKBUSTER – Triple A
– La minutie et les détails dans la mise en scène de cet univers
– Les versions PC – One X et PS4 Pro
– La quantité de contenu qui fait sens
– La fin des collectibles inutiles
– Les combats, quand ils fonctionnent
– Certaines quêtes principales
– Le mode photos et les fonctionnalités de partage

Points négatifs :
– Les légers soucis de performances sur les versions Xbox One et PS4 standard
– La répétitivité du format des missions en général
– Les combats quand ils ne fonctionnent pas et le ciblage des ennemis
– Le manque d’impact de la trame « Méta / Abstergo / Animus »
– Des quêtes secondaires à la qualité variable. (ou sont les enquêtes criminelles de Syndicate ?!)

Au final, j’ai passé un moment très agréable (de 40h) à visiter l’Égypte d’Assassin’s Creed Origins. Le jeu est à l’image de cette civilisation, à cette période charnière mise en scène : extravagante, impressionnante, mais sur le déclin, cherchant un moyen de se renouveler pour retrouver la grâce d’antan. Le cadre est probablement celui qui fait le plus sens (avec le tout premier Assassin’s Creed de Patrice Désilets). Bayek est à sa place, et peu importe votre manière de le jouer, le personnage reste intègre dans l’univers dépeint. Rien de dissonant à ce qu’un Medjay soit le juge et le bourreau dans des circonstances graves et vos crimes (mêmes nombreux) ne donneront jamais l’impression d’être en déconnexion avec l’univers. Ce titre, c’est aussi une prouesse de développement de la part d’Ubisoft, qui nous montre à quel point ils ont la maîtrise de ces reproductions virtuelles historiques à grandes échelles et ce jusque dans les plus petits détails. La technique est maîtrisée donnant lieu à un titre performant mais un peu en retrait sur Xbox One et PS4 standard, qui deviennent petit à petit les  » old gen’  » actuelles. On pourra cependant regretter l’absence d’une trame « méta » avec un Abstergo quasi absent, ou encore la genèse de la confrérie qui aurait méritée un peu plus d’intrigues et de retournements de situations. Rendez-vous dans un an ou deux pour voir si Ubisoft continue de revoir sa copie en conservant les évolutions d’Origins ou s’ils vont cette fois partir sur une formule totalement vierge et innovante. En tout cas, on pourra toujours débattre du choix de l’époque et du lieu pour le nouveau setting ! C’est un peu ça, aussi, le plaisir de cette franchise : le VOYAGE et le DÉPAYSEMENT.

Nous avons aussi réalisé deux Renegades Live sur le titre :
– VOD du Live Xbox One : https://goo.gl/fMTYyv
– VOD du Live PC : https://goo.gl/rsBsMd

Toutes les vidéos, dont des coulisses de développement, sont disponibles sur la chaine Youtube officielle Ubisoft France : https://www.youtube.com/user/AssassinsCreedFR/videos

 

 

 

 

PC / PS4 / Xbox One (Testé sur une version PC Uplay et Xbox One) – Éditeur / Développeur: Ubisoft Montreal – Genre:  Aventure – Light RPG / Open World – Sortie : 17/10/17 – 1 joueur – Prix : 59,99€ – PEGI 18

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