Il compose les plus grands thèmes du jeu vidéo français, de Alone in the Dark à Vampyr et tout dernièrement il a oeuvré sur la sublime bande originale de A Plague Tale: Innoncence. Olivier Derivière a accepté de répondre à quelques une de nos questions, dans une interview autour de la passions et de l’originalité de l’industrie du jeu vidéo.
NOTE : Il s’agit d’une retranscription écrite, effectuée à partir d’une interview audio enregistrée par nos soins.
Renegades : Pouvez-vous vous présenter ?
Olivier Derivière : Bien sûr, je suis Olivier Derivière je fais de la musique essentiellement de jeu vidéo, depuis plus de 15 ans, bientôt 20 ans, je vieillis.
Quel est votre parcours ?
– J’ai commencé à 5 ans, la musique obligatoire, étude de mathématique en parallèle, arrivé au BAC, BAC S tout ça, mais plutôt BAC informatique que biologie, donc pour faire des jeux vidéo. En parallèle je faisais du tracker, du soundtracker, des vieux systèmes, sur Amiga, Atari, à faire des démos making. J’arrive à 18 ans, je vais au conservatoire, harmonie, contre poing, instrumentation, orchestration. De l’autre côté à coder, puis en faite je pars aux Etats-Unis pour étudier encore un peu la musique, pour sortir des sentiers franco-français de la musique classique. J’étudie un peu à Berkeley, à Boston. Puis je reviens en France et là je démarre ma carrière de compositeur de musique de jeu vidéo.
Pourquoi le jeu vidéo ?
– Parce que le jeu vidéo c’est la vie (rire), parce que le jeu vidéo c’est je pense, un ensemble de raisons. La première, personnellement ça me fascine vraiment, je reste fasciné par ce médium, dans la mesure où ce qui est à l’écran est généré à chaque fois, unique, dans l’instant. Ce que les gens réalisent peu (et j’ai le contrôle dessus). Surtout la proposition des univers artistique. La profusion de propositions est bien supérieure à celle du cinéma à l’heure actuelle, je pense que seule la littérature, qui elle est infinie, pourrait être au-dessus de la proposition de jeu vidéo. Je ne suis même pas sûr que la BD est autant d’univers à proposer. Il y a des milliers de jeux qui sortent par an. Tellement d’univers différents.
Get Even, The Farm, Bandai Namco, 2017.
Le cinéma ne pourrait pas proposer autant de folie
Assassin’s Creed Black Flag, Le Prix de la Liberté, Ubisoft, 2013.
Que retrouves-tu dans le jeu vidéo ?
– Ce que j’aime en tant que joueur, c’est la surprise et je pense que le jeu vidéo à encore beaucoup de surprise à offrir aux joueurs. Et en tant que créatif, j’aime créer la surprise.
As-tu déjà travaillé dans un autre médium ?
– J’ai démarré un peu comme tout jeune fougueux, à faire un peu de court métrage, ça marchait très bien et c’est quand le court métrage rentrait dans le système de production de film, j’ai réalisé qu’artistiquement ça serait plus long, plus laborieux à obtenir que le jeu vidéo. Quand on regarde à l’heure actuelle, après 15 ans de carrière à peu près, la proposition musicale que j’ai pu faire dans le jeu vidéo, d’imaginer que j’eusse pu proposer la même chose pour le cinéma, ça me parait quand même assez impossible en fait. Le cinéma ne pourrait pas proposer autant de folie et de liberté. Donc c’est pour ça que j’ai, non pas bouder le cinéma, mais que je me suis extrêmement occupé du jeu vidéo. tout dernièrement là, je viens de signer pour un film. Parce qu’en fait ceux pour qui j’avais travaillé dans le court métrage à l’époque, sont maintenant des gens qui font des longs métrages. Et me demande, allez, allez, allez… Puis bon, comme on s’aime (rire), j’ai dit oui. Puis mon agent me pousse beaucoup à ce que l’on fasse des films. J’avoue que le jeu vidéo, reste pour moi, beaucoup plus intéressant à tout point de vue.
Personne ne sait faire un jeu vidéo
Quelles sont les différences entre les méthodes de travail pour le jeu vidéo et le cinéma ?
– Premièrement il y a un complexe d’infériorité du jeu vidéo par rapport au cinéma, et de supériorité du cinéma sur le jeu vidéo, qui est totalement compréhensible par la jeunesse du médium. Puis la peur que ça engendre de la part du vieux média qu’est le cinéma. Je pense qu’il y a bien entendu un manque de maturité évidente pour le jeu vidéo, puisque c’est une jeune industrie. Personne ne sait faire un jeu vidéo, personne. C’est pour ça que c’est génial, parce que tout le monde essaye tout et n’importe quoi, puis parfois ça réussit et parfois ça rate. C’est la beauté de la chose. Lorsque le cinéma aujourd’hui est très cantonné, très sclérosé dans des processus qui font que, tous les scriptes sont vus par des algorithmes à Hollywood. Tout se ressemble, je ne vais pas vous expliquer que chacun des blockbuster que vous avez vu dernièrement, on a l’impression que c’était la même il y a 10 ans. Les méthodes de travail, je suis extrêmement proche de celui qui détient la vision du jeu vidéo (où de ceux, s’ils sont plusieurs), mais très souvent c’est une personne. Alors que dans le cinéma c’est beaucoup plus collectif et quand je dis collectif, c’est pas que dans le jeu vidéo ça ne l’est pas. C’est extrêmement collectif, je travaille avec tous les acteurs qui font le jeu. Mais vis à vis de la vision (celui qui décide), il y a vraiment une seule personne. Alors que dans le cinéma, c’est plutôt un collectif de décisionnaire, qui est encore plus compliqué, car il faut satisfaire le collectif plutôt que de l’individu.
Est-ce plus long de faire une musique pour le jeu vidéo que pour le cinéma ?
– Ça dépend sur quelle base on se tient, si on dit est-ce que c’est plus long à fabriquer ? non. Est-ce que c’est plus long à prendre en décision ? sans doute pour le cinéma oui. Maintenant le cinéma, la production pour la musique de film, c’est beaucoup plus court, du moins la façon dont j’approche la musique de jeu vidéo, comparé à celle du cinéma. Le cinéma on peut écrire une musique de film en 3 semaines, alors que le jeu vidéo on pourrait écrire en trois semaines, mais ça serait passer à côté de ce que serait la musique de jeu vidéo.
Obscure, Hydravision, Microïds, 2004.
l’absence de musique est essentiel, mettre de la musique partout c’est ignorer la musique
Alone in the Dark, Eden Studios, Atari, 2008.
Dans le jeu vidéo, il y a à la fois la scène cinématique et la période de gameplay, où le joueur devient acteur de son aventure.
– Olivier Derivière : C’est le cœur du sujet, c’est la question, qu’est-ce que c’est un jeu vidéo ? Ce ne sont pas des cutscenes, ça c’est évident. Les cutscenes c’est fait pour habiller, pour respirer, ça peut avoir beaucoup de fonctions. La musique quand c’est sur les cutscenes, ça se rapproche extrêmement du cinéma. Et d’ailleurs quand moi je fais du cinéma je me marre, car c’est très facile au final, comparé au jeu vidéo. Maintenant, je parle en terme de process, le jeu vidéo qu’est-ce que c’est ? C’est avant tout des mécaniques de jeu. Ce ne sont pas des histoires, ce ne sont pas des mondes, des univers, des personnages, non, c’est des mécaniques de jeu. Et ça c’est quelques chose qui est assez nouveau. Je défends ça depuis 15 ans malheureusement. Quand je dis malheureusement, c’est parce que j’ai l’impression que ça fait 15 ans que je dis la même chose. Cela dit, j’entends, je vois, j’apprends aussi, que cette démarche est de plus en plus acceptée. Attention on est très peu nombreux, c’est à la fois du côté des compositeurs, où quasiment il y a personne. Mais du côté des développeurs et éditeurs, il y a plus d’écoute, plus d’envie, que la musique ne participe pas uniquement au fait que ce soit illustratif, faire que ce soit joli, faire que l’on est des belles soundtracks et qu’on est des beaux concerts. Ça c’est un plus pourquoi pas, mais le but de la musique de jeu vidéo c’est de servir le joueur. Comment on peut servir le joueur ? c’est là tout l’enjeu du compositeur. Bien sûr, encadré par l’équipe du jeu vidéo. Comme le jeu vidéo c’est une production par l’échec, je vous laisse imaginer le temps qu’il faut pour que le compositeur puisse vraiment faire la musique qui correspond au jeu…
La durée d’un jeu vidéo est plus longue qu’un film, alors comment on compose une bande originale qui ne va pas être répétitive ?
– Déjà l’absence de musique est essentielle, mettre de la musique partout, tout le temps, c’est ignorer la musique au bout d’un moment. Puisqu’on se normalise et on a plus de sensation. Donc il faut lancer la musique au bon moment. Ça c’est la première des fonctions, c’est vrai pour le cinéma aussi. Pour tout art, il faut que rythmiquement ça passe bien. Ensuite c’est beaucoup plus une fonction de la musique. Par exemple, pour Assassin’s Creed on fait beaucoup de stealth, donc faut-il de la musique pour indiquer aux joueurs, là il y a des ennemis, là t’es en position de peuvent-ils te voir ou non ? Tu es attaqué, etc… Là on atteint plus le côté fonctionnel (qu’ils ont appliqué sur tous les Assassin’s Creed), mais qui est quelque chose qui est assez éculé à l’heure actuelle. Qu’est-ce que l’on pourrait faire de différent pour que le joueur ressente plus les choses ? Ça ne veut pas dire qu’il faut automatiquement faire à l’opposé, mais peut-être qu’il faudrait faire progresser ces idées là. Aujourd’hui la technologie nous le permet, donc il faut qu’il y ait une volonté, d’un côté des compositeurs et des développeurs, à pouvoir justement exploiter ces possibilités. Hors aujourd’hui c’est très limité.
Le jeu vidéo est fait de gens vraiment passionnés par ce qu’il font à tout niveau
Comment perçois-tu l’évolution du jeu vidéo, côté prod et côté joueur ?
Ça n’a pas beaucoup évolué dans la passion, c’est tous des passionnés, qu’importe les étiquettes que l’on puisse leur donner. Le jeu vidéo est fait de gens vraiment passionnés par ce qu’il font à tout niveau. La façon dont on fabrique les jeux vidéo à drastiquement changé forcément, puisque les jeux vidéo sont beaucoup plus massifs en terme d’expérience, donc il y a beaucoup plus de gens. Pour les Assassin’s Creed ou les Far Cry, c’est du 24/24 pour les équipes, dans le monde entier, qui se filent les assets. Red Dead Redemption 2, ça a été quand même 1000 personnes ! Far Cry c’était 1500. Enfin, on atteint des niveaux de production qui sont quand même assez inhumain pour ce genre de jeu, et où peut-être, on a tendance à perdre l’âme du jeu au milieu de tout ça… C’est très difficile, je jette pas la pierre, c’est juste que c’est très compliqué de conserver une unité. Auparavant les jeux vidéo étaient beaucoup plus courts, restreint, on avait pas les mondes ouverts qui durent des heures. Donc je pense que c’est ça aussi, il y a eu, cette espèce d’ouverture un peu folle de réalité virtuelle, même si ça reste sur écran, des mondes ouverts qui s’auto-suffisent. Est-ce que c’est la finalité du jeu vidéo ? J’en sais rien, mais c’est un passage aujourd’hui, je pense qu’il y a beaucoup de joueur maintenant, on l’a vu par God of War, par Spider-Man, qui est un monde ouvert, mais qui est quand même assez restreint. Red Dead, c’est l’apogée, bon moi je l’appelle Cowboy Simulator. Il faut s’y mettre à fond, c’est un investissement. Je suis plus dans le jeu vidéo ludique, où je dirais qui vous prend dans les tripes rapidement, ou qui vous transporte (plutôt que dans le labeur). Mais chaque joueur est unique, et justement les joueurs ont aussi évolué. il y a les pro-gamers comme on dit, et il y a les casuals. Les premiers qui voient mal les seconds. Bon tout ça c’est un peu des faux débats. Il y a des ligues de difficultés, et surtout il y a des propositions qui sont tellement immenses et sont différentes. Aujourd’hui si on veut jouer à un jeu vidéo, qui que nous soyons, on a la possibilité de pratiquer le jeu vidéo.
Quelles sont tes inspirations et tes influences ?
– J’ai mes influences d’origines, qui sont trois compositeurs, Dmitrievitch Chostakovitch, Peter Gabriel et Aphex Twin, ensuite quand je démarre un jeu vidéo, on ne me propose pas des musiques “témoins”, comme je ne vais pas non plus chercher dans mon catalogue quelque chose qui fonctionnerait. Je regarde le jeu et je réponds à ce que le directeur créatif, donc le réalisateur du jeu, me dit par ses mots et j’y réponds en musique. Ça nécessite du temps d’adaptation, à savoir, il me dit bleu, je dis violet, non non il me dit bleu-rouge, rouge, bleu, à oui c’est bon. Et quand tu dis bleu, je fais bleu. C’est très important de s’aligner comme ça. Puis pour tous ces jeux, que ce soit Assassin’s Creed, Remember Me, Obscure et tout ça, la musique (parce que c’est ce que j’aime beaucoup faire), mettre du sens, va dans le sens d’intellectualiser les choses, mais aussi dans le sens où il y a une profondeur de substance qui fait le lien, car quoi qu’il se passe, on sait pourquoi la musique est là. C’est pas uniquement, oh c’est joli !
Remember Me, Dontnod, Capcom, 2013.
Quand je démarre une production la première chose que je fais ce n’est pas décider vis à vis du jeu, c’est rencontrer les gens
11-11 Memories Retold, Digixart Entertainment, Aardman Animations, Bandi Namco, 2018.
Est-ce que tu as déjà imaginé des musiques pour des jeux ou des films, que tu n’as pas composé ?
– Pas du tout. Je pourrais peut-être, je ne sais pas, je ne me suis jamais prêté à l’exercice. Parce que j’en ai jamais eu l’occasion, puisqu’en fait je travaille beaucoup. Parfois quand je regarde des films, même des jeux et j’écoute la musique, elle me paraît extrêmement conventionnel. Ça ne veut pas dire que c’est mal fait, c’est très efficace et puis si le jeu est un hit, la musique et géniale, tout le monde est content. Mais oui, il m’arrive sur certains jeux, tiens là j’aurais aimé quelque chose de plus onirique. Chacun à sa sensibilité, et puis tout est valable. Si ça fonctionne avec le jeu c’est très bien, après je suis quelqu’un qui essaye de trouver quelque chose d’identitaire, dans le sens où ça correspond tellement à l’ADN du jeu, que si on l’enlève on a l’impression qu’on lui enlève un organe vital.
Quelle est la production qui t’a la plus touché ? Et à l’inverse, celle que tu as moins aimé ?
– Ah c’est marrant cette question là, que l’on me pose beaucoup. Quand je démarre une production, la première chose que je fais ce n’est pas décidé vis à vis du jeu, c’est rencontrer les gens. C’est essentiel de rappeler que la façon dont je travaille, ce n’est pas de la prestation musicale, on me demande de la musique et moi je donne. Comme c’est le cas pour 98% des jeux vidéo dans le monde. C’est beaucoup plus un travail d’équipe, sur la longueur. On ne sait jamais quand on démarre un jeu vidéo, car je suis là à la souche, au démarrage, et on ne sait jamais si le jeu vidéo va sortir, si le jeu vidéo va sortir dans l’état qu’on aimerait, qu’il sorte mais on en a pas les moyens, s’il va sortir dans un état parce que l’on s’est planté (ça arrive aussi). On ne sait rien, c’est ce que je disais au début, personne ne sait faire un jeu vidéo. Ce que je valorise, ce n’est pas tant le fait que la production c’était X ou Y, non, c’est les gens. J’ai eu la chance jusqu’à présent d’avoir travaillé qu’avec les gens, qui malgré les difficultés (je ne vais pas dire qu’à chaque fois c’était tout rose), mais on était toujours à se serrer les coudes. Malgré certains échecs des jeux qui sont sortis, je suis extrêmement fier du travail qu’on a fourni, parce que l’on a tout donné, on a aucun regret, on sait que ça n’a pas donné le résultat qu’on voulait, mais qu’importe, il y a personne qui nous a empêché de faire ce que l’on voulait faire. Dans le sens où on a fait tout ce que l’on pouvait.
les jeux vidéo sur téléphone ou même sur consoles, peuvent exploiter largement plus le médium
Ta vision de l’avenir du jeu vidéo ?
– Je pense qu’il y a énormément de possibilités. Le VR est quelque chose d’énormément excitant, Astrobot ça m’a retourné le cerveau, vraiment. C’est incroyable ce qu’ils ont dégainé. C’est Nicolas Dusset, un français, c’est quelqu’un que je connaissais pas du tout, chapeau, un expérience incroyable. Maintenant je ne pense que c’est parce qu’il y a de la VR, que l’on peut proposer des nouvelles expériences uniquement. Je pense que les jeux vidéo sur téléphone ou même sur consoles, peuvent exploiter largement plus le médium et des directions, qui sont aujourd’hui un peu inconnue. Tout est devant nous, tout est à faire, que ce soit pour les musiques de jeux vidéo bien entendu, mais pour le jeu vidéo avant tout. Puisque nous en tant que compositeur, on devrait servir le jeu vidéo et donc essayer de les suivre, eux. À l’heure actuelle, tout est possible, tout. Je n’ai pas dans ma tête que le jeu vidéo sera “ça” plus tard.
Tu as travaillé sur 11-11, qui est un petit studio indé, quelle est ton expérience avec eux ?
– Alors j’ai fait un autre jeu qui s’appelait Harold et dont tout le monde semble avoir oublié l’existence. Un vrai jeu indé qui était incroyable, j’invite quiconque à y jouer. C’est un petit jeu de runner. Il n’y a pas nécessairement de différence, en tout cas moi je n’en ai jamais ressenti, que ce soit sur Assassin’s Creed, 11-11 ou Harold, le travail il est exactement le même. Les gens sont les mêmes. Après la machine qui est derrière, globalement moi je ne suis pas dedans, car c’est de la machine de production et j’ai plutôt tendance à discuter avec les leads. C’est la core team, ce sont ceux qui, on va dire, sont en charge de la vision globale. Donc quelle que ce soit l’équipe en dessous, qu’il soit 10, 2 ou que ce soit les leads qui fasse tout, il y a toujours les leads, donc c’est la même chose. Les gens sont aussi passionnés dans le AAA que dans l’indie.
A Plague Tale: Innocence, Asobo Studio, Focus Home Interactive, 2019.
Les gameplay tournent en ronds pour beaucoup de jeux vidéo, ils finissent par lasser.
Vampyr, Dontnod, Focus Home Interactive, 2018.
On dit souvent que le AAA c’est plus industriel ?
– Ce n’est pas vrai ! C’est vrai au niveau de la fabrication et de la finalité pour beaucoup d’éditeurs. Ce n’est pas vrai de ceux qui le font et ça c’est très important.
Un genre de jeu que tu n’as pas encore fait et que tu aimerais faire ?
– Je crois toucher un peu tout en terme de jeu vidéo. J’espère en tout cas continuer à faire n’importe quoi. Je viens de signer un jeu, quand les gens vont découvrir que c’est moi qui fait la musique, on va se marrer !
Tu fais souvent des Masterclass, qu’as-tu envie de transmettre aux jeunes qui se lancent ?
– Les Masterclass, très souvent, je les fait pour des gens aguerris. J’ai fait énormément de Masterclass pour véhiculer l’idée, que la musique de jeu vidéo n’est pas uniquement ce que l’on imagine qu’elle est. Pour le grand public c’est les grand titres, Zelda, etc. Puis n’importe quel hit, la musique qui est dessus va être embarquée dans ce wagon du hit et va être acclamé partout. Bon c’est très bien, mais ça ne m’intéresse guère. Ce qui m’intéresse, c’est comment la musique fonctionne dans le jeu. Ça c’est mon cheval de bataille dans l’industrie. C’est quelque chose que les gens ne voient pas, les journalistes ne voient pas, les joueurs encore moins… Cela dit je fais ça pour eux. Et c’est ça que je dis aux développeurs, ne sous-estimez pas la fonction de la musique et la manière dont la musique peut interagir dans votre jeu, car au final, cette fonction peut changer radicalement l’expérience joueur. Là dernièrement, j’ai un super exemple, c’est Tetris Effect. On leur dit bon bah les gars, vous avez un jeu, ça s’appelle Tetris, tout le monde connaît ? Tout le monde a joué des milliers de fois à Tetris et pourtant quand tu joues à Tetris Effect, tu as cette sensation de renouveau, de plaisir qui est complètement différent, tu te fais embarquer dans cette espèce de voyage hypnotique qu’ils t’ont proposé. C’est à la fois l’image et le son, mais le son y est pour la moitié, si ce n’est plus. Quand les gens te disent c’est la moitié, ils parlent, comme le cinéma parlent. Mais pour le jeu vidéo ce n’est pas la moitié de l’expérience passive, c’est la moitié active. Ce que tu ressens en tant que joueur. Quel que ce soit le jeu vidéo et donc si tu prends une mécanique comme Tetris, avec ce qu’il ont fait avec la musique, ils ont créé des situations où tu ressens le jeu différemment. Imagine si on faisait ça sur tous les styles de jeu, sur tous les types de gameplay. On pourrait donner aux joueurs des sensations différentes, alors que les gameplay commencent à tourner en rond pour beaucoup de jeu vidéo (et finissent par lasser). Alors que non par la musique, on peut créer des situations.
Est sorti dernièrement A Plague Tale: Innocence, le très touchant jeu de Asobo Studio où vous pouvez retrouver notre Critique ici. Olivier Derivière a participé à la composition de 12 titres de la bande originale du jeu, que vous pouvez découvrir ci-dessous.
Propos recueilli par John Taskovich pour Renegades.