ELEX II – L’action RPG old-school hors du temps

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Elex II est un jeu de rôle en monde ouvert, ambitieux (trop ?) et un peu fou, qui souffre d’une mauvaise écriture et de personnages inégaux. Le tout saupoudré d’un peu “d’Eurojank”, un terme appliqué pour des studios européens (et souvent slaves) pour des bugs amusants mais pas bloquants (typiques des jeux Bethesda). Le monde alterne post-apocalyptique bien crasse et S-F alambiquée avec Jetpacks et armures Exosquelettes ! Alors cette suite, étron fulgurant ou pépite méconnue “Double A” ? Allons découvrir tout cela ensemble…


SUPPORT

PC / Playstation / Xbox (testé sur PC)

GENRE

Jeu d’aventure / Action RPG

DÉVELOPPEUR

Piranha Bytes

ÉDITEUR

THQ Nordic

SORTIE

01 Mars 2022

PRIX DE VENTE CONSEILLÉ

50 €

CLASSIFICATION

PEGI +18


Quelques minutes seulement après avoir quitté la zone tutoriel d’ELEX II, agréablement brève, je suis tombé sur une radio. L’émission annonçait un concert dans l’amphithéâtre voisin. Un concert de Billy Idol. Oui, vous avez bien lu, il ne fallait d’ailleurs pas en parler pendant la période de couverture ! Une consigne explicite demandée par le studio, afin de ne pas spoiler la surprise. Je me suis immédiatement dirigé vers le lieu du concert et j’ai eu droit à un rendu peu flatteur de Billy Idol et de son copain guitariste, en train d’interpréter une chanson (Whiskey & Pills, titre de son album de 2014). Un morceau plutôt méconnu… Dommage. Après la scène, vous vous retrouvez dans l’amphithéâtre vide, seul, à l’exception de deux types qui parlent de la qualité du concert.

 

Il n’y a pas de contexte pour ce caméo. William Broad n’est pas un PNJ. Pendant les quelques 30 heures que j’ai passé à jouer au jeu, je n’ai eu aucune raison de retourner à l’amphithéâtre. Cela n’a aucun sens et la seule explication que je puisse trouver, est qu’un dev décisionnaire soit fan de Billy Idol et voulait simplement l’avoir dans ELEX II. C’est le genre de hasard de développement que je peux respecter voir apprécier, et j’aurais même aimé rétrospectivement que le jeu en ait plus.

Pan, t’es mort.
Iron Man serait jaloux

ELEX II prend la suite directe du premier opus (en se basant sur la fin la plus plébiscitée par les joueurs, selon les statistiques Steam) et revient dans le monde post-apocalyptique de Magalan. Un univers qui ressemblait beaucoup à la Terre moderne, jusqu’à ce qu’une comète transportant la substance éponyme s’écrase sur la planète. Environ 160 ans plus tard, nous nous retrouvons avec une poignée de groupes différents qui ont tous appris à utiliser l’élex à leur façon. Le mélange de factions est merveilleusement fou et varié, chacune ayant son idéologie et ses us et coutumes. Les Outlaws sont les plus stéréotypés des post-apocalyptiques (dans la veine de Mad Max ou Fallout), avec leurs armures en ferraille et leurs armes conventionnelles (faites de massues de marteaux et autres tuyaux courbés). Les Clercs sont un ordre religieux hi-tech qui a certainement trop joué à Warhammer 40k. Ils ont donné naissance aux Albs, les méchants du premier jeu, avec lesquels vous pouvez maintenant vous allier. Les Berserkers, hippies-vikings aux multiples talents, rejettent la technologie et ont trouvé le moyen de convertir l’elex en mana, ce qui leur permet de lancer des sorts. Enfin, les Morkons, les nouveaux venus, qui ont vécu l’apocalypse sous terre, vénèrent un dieu de la destruction et s’habillent comme les Cénobites de Hellraiser.

Tout se tient, même si l’on ajoute à l’équation les méchants du jeu, un groupe d’envahisseurs extraterrestres techno-organiques. L’intrigue est constituée d’une énorme quantité de science-fiction et d’une exposition narrative sans fin (surtout pour les retardataires qui auraient l’idée saugrenue de lancer le 2 avant le premier opus, bien que tout soit fait pour permettre de s’en sortir…). Elle contient tout de même juste assez de mystère pour maintenir votre intérêt et laisse présager l’inévitable “Plot Twist” (ritournelle scénaristique), majeur en fin de jeu. J’ai aussi beaucoup apprécié la décision de situer le jeu plus ou moins au même endroit que l’original, permettant d’être témoin des effets du passage du temps. Le point culminant de tout cela est sans aucun doute le Fort principal des alliés et ses environs. Dans le premier jeu, il s’agissait d’une région désertique habitée par les Outlaws, mais la zone a depuis été conquise par les Berserkers et terraformée à l’aide de leurs arbres magiques, la rendant luxuriante et verte.

Attention chérie, ça va trancher.
Tu aimes mon nouveau costume volé à Monster Hunter ?

Elex 2 est vraiment un jeu typique de Piranha Bytes. C’est un RPG en monde ouvert qui ne se soucie pas du tout de savoir si vous allez vivre ou mourir. Il est maladroit et bricolé à la main, mais reste convaincant et peut être une bouffée d’air frais lorsque vous êtes habitué à un régime régulier de “triple A” au polish parfait. Malheureusement, il a aussi les mêmes problèmes que le jeu précédent. Et que la série Risen. Et que Gothic 3 si on veut encore remonter plus loin. On excusera les deux premiers Gothic qui, pour l’époque, étaient plutôt avant-gardistes et proposaient un gameplay “bac à sable” vraiment inédit pour cette période, avec des possibilités variées pour résoudre les quêtes.

La difficulté, elle, est très variable. Elle commence de manière abrupte, tout simplement parce que le protagoniste Jax est nul (à tous les niveaux : points de compétences, skills débloqués, équipement…). Le tout devient beaucoup trop facile une fois que vous avez compris les mécaniques et débloqué des compétences intéressantes (ou fait prendre des niveaux à vos statistiques comme votre vie ou vos DPS). Le jeu trouve comme seul moyen pour rajouter un peu de difficulté, de gonfler les dégâts et la santé de tous les ennemis (au point que cela devienne fastidieux). Tout cela en enchainant des combats trop longs, qui rapportent peu niveau XP et objets. Les ennemis mettent donc un temps fou à mourir, mais à l’inverse peuvent vous tuer en quelques coups (voir en un “One Shot”). L’équilibre à ce stade est tout simplement inexistant. J’utilisais encore un fusil à pompe de milieu de partie sur le boss final, parce qu’il faisait clairement beaucoup plus de dégâts que mes pouvoirs magiques ou mes armes uniques (censées être de qualité ultime). L’inconvénient de ce fusil à pompe était son temps de recharge long, mais il y a une astuce. Comme toutes les armes à distance se rechargent instantanément lorsqu’elles sont rangées dans leur étui, il suffisait d’appuyer plusieurs fois sur le raccourci clavier pour contourner ce problème (et à ma connaissance, cela n’a toujours pas été patché, la magie de l’Eurojank). Parfois, les missions nécessitent que vous retourniez voir le donneur de quête plusieurs fois avant de les terminer (il faudra savoir apprécier le décors pendant les nombreuses traversés de l’open world en mode “backtracking”). D’autres fois, elles sont marquées comme terminées lorsque vous avez tué dix “spikepoodles” (nom du monstre en anglais) ou d’autres bestioles, mais vous devez toujours retourner voir le donneur de la quête pour obtenir une récompense et avancer dans l’histoire. Le rythme est terriblement lent, les dernières heures du jeu n’étant qu’une interminable corvée qui nécessite de massacrer des dizaines et des dizaines d’ennemis du même type. Pas très imaginatif tout ça.

“Le titre commence avec une courbe de difficulté abrupte, puis devient beaucoup trop facile une fois que vous avez tout compris des mécaniques. Pour tenter d’atténuer cela, le jeu gonfle les dégâts et la santé des ennemis au point que les combats prennent un temps fou à se résoudre…”

– JoPe

Je comprends qu’il s’agit d’un jeu ouvert et tentaculaire produit par un développeur relativement modeste, mais il s’agit aussi d’un studio qui fait le même genre de jeu (des systèmes de niveaux jusqu’aux combats en temps réel), depuis deux décennies. Pendant tout ce temps, ils n’ont toujours pas maîtrisé les principes de base de ce game-design. En même temps, tout cela commence à être un peu vieux jeu, surtout en 2022, si l’on compare à des productions plus ambitieuse (et je ne parle pas de graphisme ou de technique pour le coup). Même si j’aime la formule, et même si j’apprécie le décor et le jetpack, il n’y a pas de réelle valeur ajoutée pour quiconque a joué à Gothic ou Risen.

Parfois le jeu sait créer de l’atmosphère
Plus on avance dans le jeu, plus les équipements deviennent futuristes

Je serais heureux de donner un verdict positif à Piranha Bytes (d’autant que j’avais apprécié ELEX premier du nom, avec tous les bémols évoqués plus haut). Malheureusement, cette fois, je ne pourrai pas être aussi tendre. Sans compter l’univers qui n’est pas du tout accueillant. Je m’explique : ELEX II est, de loin, le jeu le plus désagréable, le plus mesquin et le plus agressif auquel j’ai joué depuis très longtemps. Presque tous les NPC que vous rencontrez sont des personnes humainement horribles. Ils sont généralement grossiers et abrasifs dans leurs comportements, et même ceux qui sont plus amicaux sont tout simplement ennuyeux et plats. L’un des personnages de votre groupe, qui s’appelle littéralement Nasty, est carrément abusif. Je suppose que c’est censé être « mature » ou « réaliste », mais ce n’est ni l’un ni l’autre. Le jeu ressemble parfois à un enfant de douze ans qui pense qu’être grossier et jurer constamment le rend dissident et important. Ce ne sont pas des personnages nuancés et bien équilibrés, ce sont des automates plats qui n’ont pas la moindre personnalité.

On pourrait arguer que quelque chose s’est perdu dans la traduction, puisque Piranha Bytes est un développeur allemand et que je joue au jeu en anglais et en français. Toutefois, je pense que c’est être terriblement injuste envers tous les charmants Allemands que j’ai rencontré dans ma vie (spéciale dédicace à tous mes amis de Sarrebruck). Ce serait également ignorer le fait que le même désagrément ne se limite pas aux dialogues des PNJ. ELEX II, comme ses prédécesseurs, a un problème avec les femmes. Ce n’est pas aussi flagrant que dans les précédents titres du développeur, puisqu’il y a un bon nombre de personnages féminins entièrement vêtus cette fois… mais l’attitude affichée est rétrograde. Les femmes du jeu sont des harpies, garces, jalouses et rancunières. Lorsque j’ai décidé de faire en sorte que Jax poursuive sa relation avec Caija (un personnage du premier jeu avec lequel il avait depuis eu un enfant qu’il avait ensuite abandonné, puis retrouvé au début du deuxième titre…), les deux autres femmes de mon équipe ont réagi négativement (perdant ainsi toute loyauté de leurs part). L’une agressait verbalement Jax à chaque occasion, l’autre m’a carrément abandonné, me faisant perdre une alliée importante au passage. Surtout qu’à la base, je ne savais même pas qu’elles étaient des options potentielles de romance… Ahhh la jalousie ! 

Des monstres mutants très variés occupent le monde d’ELEX II
Les architectures de chaque factions sont très reconnaissables

En parlant de Jax, il n’est pas mieux. Quelles que soient les options que vous choisirez, il se montrera grossier et colérique à chaque occasion. Pour moi, cela a atteint son paroxysme lors d’une conversation en fin de partie avec son fils Dex (qui a, pour mémoire, sept ou huit ans tout au plus) où j’ai eu la possibilité de le menacer de le battre. Pire encore, au moins un des personnages compagnons approuvera cette décision (#TeamCassos). Même avec la méchanceté générale des personnages du jeu, cela m’a pris de court. Pourtant il en faut pas mal pour m’impressionner dans un Jeu Vidéo et je sais parfaitement replacer tout ça dans la diégèse et ne pas faire de parallèle douteux avec la réalité. M’enfin là pour le coup, notre héro et ses alliés sont détestables pendant une grosse majorité du jeu.

 

Attention, précisons qu’il y a certainement de la place pour les jeux qui traitent de la maltraitance des enfants ou qui ont pour protagonistes des personnes aussi profondément imparfaites, mais cela demande de la prudence et du tact (et surtout de la NUANCE). Ni l’un ni l’autre n’apparaissent ici dans le jeu. Au lieu de cela, il s’agit d’une ligne de dialogue banale, sans réelle conséquence, qui existe pour que vous puissiez montrer à quel point vous êtes méchant (les développeurs voulant afficher un panel d’émotions variées). Il y a aussi beaucoup de débats intéressants à avoir sur le type de comportement que les jeux nous permettent de dépeindre, comment ils choisissent de tolérer ou de condamner certains actes et pourquoi nous réagissons aussi viscéralement à certaines actions et pas à d’autres, mais cette critique est déjà beaucoup trop longue ! 😀

L’AVIS DU TESTEUR

Cyberpunk 2077 est le jeu qui m’est venu à l’esprit alors que je réfléchissais à la manière d’aborder cette critique. Il s’agit également d’un RPG bancal, buggé (“janky”), trop ambitieux, rempli de gens violents et grossiers qui se font des choses horribles. La différence est que, dans l’ensemble, les personnages de Cyberpunk sont fascinants, bien campés, avec de la profondeur et des nuances. Ils sont souvent sympathiques, voire attentionnés, ce qui nous oblige à faire face aux aspects contradictoires de la nature humaine. Elex 2 n’a malheureusement rien de tout cela. On pourra cependant citer l’Open World qui est un vrai acteur à part entière du titre. Sublimement mis en scène vu les moyens du studio allemand, et qui extrapole ce que l’univers du premier jeu était devenu après quelques années écoulées. Les combats sont mal animés mais font le boulot, le jeu contient encore énormément de bugs, mais il a clairement une âme. Il faudra juste savoir gratter la couche de guano qui recouvre cette œuvre pour accéder à quelques moments de grâce, étrangement la plupart du temps visibles seulement dans les quêtes secondaires du jeu, quand nous avons la liberté de nos choix qui impactent réellement l’univers et la progression.

Appréciations détaillées ici


REPLAY EN LIVE :

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