La Critique : God of war
Cela fait une quinzaine de jours que God of war est sorti à l’heure où j’écris ces lignes. Il va sans dire qu’il a fait trembler le petit monde du jeu vidéo depuis son premier trailer à l’E3 2016.
Support : Playstation 4 / Éditeur : Sony Interactive Entertainment / Développeur : SIE Santa Monica Studio / Genre : Beat’em All / Sortie : 20/04/18 / PEGI +18
Blockbuster avec une grande aura et une immense campagne marketing, note Metacritic tonitruante avec 95/100 mais surtout un homme, Cory Barlog, abondamment mis en avant pour devenir aujourd’hui une vraie personnalité du média à une époque ou le jeu vidéo a besoin de noms à mettre sur le devant de la scène. Assurément ils ont mis toutes les chances de leur côté pour le succès mais mérite t-il tous ces éloges ?
La série God of war a toujours été le vilain petit canard du genre beat em all. Misant plus sur les sensations et la mise en scène -surtout depuis le deuxième épisode- il a toujours pêché par un manque de possibilités ou d’exploitations intéressantes des ennemis entre autres choses pour le joueur averti du genre.
J’imagine que vous le savez déjà, pour ce qui serait d’ores et déjà une nouvelle trilogie annoncée, on remet tout à plat. Nouvelle mythologie, nouvelle mise en scène et surtout, nouveau gameplay.
Un cadre magnifique défiant toutes techniques
Mettons les choses dans leur contexte.
Adieu la mythologie grecque. Place à la mythologie nordique. Bienvenue donc aux Thor, Odin, Baldr, Freya, Tyr et autres dieux qui feraient mieux de s’inquiéter au vu du CV bien chargé d’un Kratos qui a décidé de vivre une vie de famille pépère reclus dans les tréfonds nordiques. Malheureusement pour lui et son fils Atreus qui nous accompagnera tout au long du jeu, la mère de la famille vient de décéder. Son dernier souhait, qu’ils répandent ses cendres en haut de la plus grande montagne des neufs royaumes. Ça n’a l’air de rien, mais les deux vont se retrouver embarqués dans des péripéties et des histoires qui les dépasseront complètement.
L’une des choses qui frappe est la nouvelle approche adoptée par Santa Monica. On comprend que n’importe quel véritable amoureux de la mythologie Grecque ferait un ulcère devant la grande fanfaronnade des dieux de la précédente trilogie. Cet épisode-ci, à l’image de Kratos, se veut dans tous les aspects, plus sage, plus humble et surtout plus mature.
Plus mature dans sa représentation tout d’abord. Par le design des personnages plus subtile et jouant sur la surprise que ce soit par un attribut physique, une personnalité ou encore une fonction mais également les décors. Doté d’un travail assurément aussi minutieux que celui effectué par Ninja Theory pour Hellblade -faisant la part belle également aux mythes nordiques- il ne sera pas rare de retrouver des éléments identiques entre les deux jeux. Blockbuster oblige, je regrette néanmoins un parti pris beaucoup moins sombre que le studio indépendant qui n’a pas hésité par exemple à nous représenter un Hellheim absolument terrifiant là ou celui de God of war est plutôt édulcoré un peu comme l’ensemble du jeu.
On passera sur les graphismes absolument prodigieux, je pense que tout le monde l’a vu. Non, là ou cela devient plus intéressant est qu’aujourd’hui le jeu se targue d’être un « semi open world » à la manière de MGS V ou Dark Souls, mais sans aucun temps de chargement. Avec ce jeu, Santa Monica se veut précurseur dans de nombreux domaines techniques. Parlons un moment par exemple de la gestion des dialogues entre Kratos, Atreus et un autre personnage qui vous accompagnera très longtemps et qui n’hésiteront pas, en fonction des actions du joueur à interrompre leur dialogue de manière totalement naturel pour le reprendre un peu plus tard encore une fois le plus naturellement du monde. Élément plus qu’appréciable, les coupures pouvant arriver souvent, le monde étant découpé en très nombreuses zones à découvrir avec un très grand nombre de missions annexes plutôt intéressantes, il nous arrivera souvent de nous amarrer avec notre barque pendant une discussion des plus intéressantes. Parfait pour le joueur qui ne veut rien louper, mais surtout pour rendre les personnages et interventions plus vivantes. Un élément qui devra devenir une base pour les futurs triples A.
Mais la véritable innovation de ce nouvel épisode tient sans conteste dans le choix de la mise en scène et de la narration. Un plan séquence maîtrisé de bout en bout. Cette volonté a déjà été initiée trois années auparavant par Hideo Kojima et son dernier Metal Gear Solid. Considéré selon les humeurs (et les œuvres) comme un vrai choix artistique, de la frime de réalisateurs où simplement un magnifique défi technique, il trouve une certaine cohérence dans le jeu vidéo. Le gameplay pouvant être considéré comme un long plan séquence il peut paraître logique de construire la mise en scène de la même manière . Une façon de cacher toutes les ficelles de la création pour donner l’impression d’un tout plus organique.
God of War concrétise à 100% l’idée du créateur japonais. Malgré la technique sublime et le côté semi open world, aucun temps de chargement ne viendra troubler le déroulement . Associé au changement de point de vue, beaucoup plus resserré de la caméra à l’épaule, le joueur se retrouve beaucoup plus proche de Kratos et de son fils et parachève l’idée d’une aventure plus intimiste accentuant l’humanité des personnages.
Un jeu qui a des rides … et du muscle.
La mise en scène et la technique c’est bien, mais que nous raconte le jeu ? A travers toute la mythologie et ses personnages, God of War parle avant tout de la famille. La difficulté d’être père, d’être mère et les conséquences de nos actions parfois dramatiques quand bien même chacun à la volonté de bien faire. Chaque scène mettra en avant le relationnel entre les personnages et leur évolution. L’éducation spartiate de Kratos pourrait sûrement en rebuter beaucoup en début d’aventure. Mais plus nous avançons et plus nous comprenons ses choix et ses doutes. L’évolution de sa relation avec Atreus faites de hauts et de bas, bien que caricatural par moment, réussit au final à nous attendrir. Nous offrant de magnifiques moments de complicité il réussira même à tirer une larme chez quelques uns d’entre nous.
Au delà de cela, la quête principale elle est victime du syndrome « allons en finir ! ». Plusieurs fois, l’objectif pourtant à porté de main se verra remis à plus tard par des imprévus qui rallongeront considérablement la route. Certains personnages s’en amuseront même mais il est toujours risquer de s’amuser de ses propres défauts. Heureusement cela à commencé à m’agacer au moment ou le jeu finissait ! Bien joué Cory.
RPG ? BTA ? Action RPG ? » Darksoulisation » ? Jeu de course ?
On entend un peu tout et n’importe quoi sur le genre auquel appartiendrait ce God of War ! Eh bien c’est pourtant simple. Non ce n’est pas un RPG ni un action RPG. Le levelling n’ayant finalement quasiment aucune incidence sur tout le jeu, si l’on omet peut être un moment et encore. Si c’était le but des développeurs eh bien c’est raté ! Non, il s’agit tout simplement d’un beat’em up avec du craft et un peu d’énigmes qui composent depuis très longtemps ce genre de jeu pour souffler entre quelques combats.
Et du craft vous allez en faire et pas qu’un peu. Entre les attaques runiques rapides et puissantes, les talismans (qui sont également des attaques magiques), les magies à mettre sur le pommeau de la hache et les enchantements à mettre sur chaque pièce d’armure permettant d’ajouter des caractéristiques spécifiques (comme plus de résistance au poison, ou au feu ) vous aurez vite fait de vous perdre pour créer votre propre Kratos dans des menus plutôt confus. D’autant que la plupart des éléments pourront être level up directement dans les menus et les équipements améliorés chez les deux forgerons du jeu. Tous ces éléments offrent une bonne diversité technique voir un peu stratégique dans les combats, d’autant qu’un grand nombre de coups seront déblocable pour un Kratos plus puissant mais surtout plus stylé.
Malheureusement ou heureusement, avoir accès à tous ces éléments nécessitera d’avoir l’œil. Il vous faudra dénicher un nombre presque imbuvable de tombeaux, au point où ils ralentissent vraiment le rythme du jeu. Plus amusant quand même, l’accès à certains d’entre eux et même la progression dans l’histoire principale sera parsemée d’énigmes plutôt intelligentes. Ni trop dur ni trop simple le gameplay sera toujours bien exploité et mettront en avant l’une des grandes qualités du jeu, son level design. S’inspirant de ce qui à fait ses preuves ces dernières années à la manière d’un Dark Souls, de nombreux mécanismes seront à déclencher débouchant sur des raccourcis, teintés d’une progression que l’on qualifiera de Metroidvania. Les allers et retours nombreux ne font pas tâche et permettent au contraire une exploitation plutôt bien pensée de chaque recoin du jeu.
La hache, LA feature du jeu sera exploité jusque dans ses derniers retranchements.
Mais au final c’est un bon ou un mauvais BTA ?
Il est maintenant temps de causer gameplay. De ce côté, la plus grande innovation réside dans le choix de la caméra. Initié en 2005 par Shinji Mikami et son sublime God Hand, la caméra a l’épaule dans un BTA imposerait presque un côté plus viscéral, terre à terre et stratégique des combats.
Le « spacing » y a une place primordiale. C’est-à-dire que le placement ainsi que le plan de jeu du joueur incluant le bon choix de l’adversaire à affronter dans un groupe à une place importante. Cory Barlog ne cache pas son inspiration Resident Evil 4. Cela se voit surtout dans la manière (parfois interminable) dont s’enchaîne les événements du jeu. Je ne serai pas étonné qu’il soit allé bien plus loin à la manière de Ninja Theory qui a beaucoup étudié les jeux Capcom incluant God Hand dans un Making of.
Pour preuve, à l’instar de ce dernier, Hellblade , Absolver, et aujourd’hui God of War n’inclut pas de touche saut ! Accentuant d’autant plus le côté « spacing ».
Au début nous n’aurons donc d’autres choix que de gérer intelligemment nos combats de cette façon. Mais comme dans tout jeux du genre, c’est une fois tout débloqué que tout va se révéler.
Au final ce God of War puise tout son intérêt dans la manière dont sont « linké » les coups. Le combat au corps à corps et à la hache possèdent des liens qui , utilisés intelligemment permettra de passer de l’un à l’autre sans interruption offrant alors le véritable spectacle demandé. Le contre, très simple d’utilisation permettra de garder la dynamique notamment avec la possibilité de renvoyer les projectiles sur l’ennemi qu’on veut.
Stratégie, dynamique des coups intéressantes, QTEs plus utiles (on peut renvoyer les petits ennemis sur d’autres, ou jouer sur la barre de stun des ennemis pour des éliminations rapides et invincibles), le jeu a beaucoup de qualités d’autant qu’Atreus n’es pas en reste non plus et s’avérera être un allier précieux aux multiples possibilités. En plus de nous créer des ouvertures intéressantes, il est utile en combos et possède un très grand nombre de magies pouvant maîtriser tous les adversaires d’un combat offrant à Kratos le champ libre pour déchaîner toute sa rage. Loin du boulet auquel on pouvait avoir peur, il s’avère même plutôt très puissant. Malgré tous ces bons points, le jeu n’échappe pas à quelques travers un peu dommageables.
Effectivement malgré de très bonnes idées, l’impression d’en avoir assez vite fait le tour pointe le bout de son nez. Kratos a beau avoir un certains nombres de possibilités intéressantes, le peu de diversité des ennemis empêche malheureusement de varier les plaisirs à l’infini.
Les ennemis sont aussi importants que les possibilités dans ce genre et il est dommage de ne pas avoir profité d’un jeu si long pour se permettre toutes les folies à la manière justement d’un Resident Evil 4 dont il s’inspire.
De plus, de nombreux problèmes récurrent des « western » BTA si vous me permettez le terme se montrent.
Pourquoi proposer des ennemis limitant pour le joueur et donc limitant son plaisir ? Un grand nombre d’entre eux seront insensibles à certaines armes ou se verront doté de points faibles qui limiteront grandement notre champs d’action.
Enfin certains détails se verront perfectibles pour un fan du genre. Revenons par exemple sur le contre bouclier, qui manque vraiment de fenêtre d’invulnérabilité (même si l’on sera d’accord pour dire que c’est déjà tres fort) et faisant partir bien trop loin les ennemis qui réagissent au coup tel des « ragdoll » ou encore le manque de feedback (bien que globalement réussi) sur certains coups/ennemis dû a l’omniprésence de « mode armor » chez nos adversaires.
Enfin, dommage de ne pas avoir eu la même attention sur la dernière arme de mêlée du jeu qui se révèle extrêmement efficace en bourrinage face à un grand nombre de petits ennemis, rendant caduque l’utilisation de la hache dans ces situations. Sauf évidemment pour le joueur cherchant avant tout le style … et il aura bien raison.
CONCLUSION : 8/10 TRÈS BON
Maturité est le premier mot qui me vient à l’esprit quand à l’évocation de ce God of War. Kratos a pris du galon et nous fait vivre une expérience plus personnelle sans perdre de sa réalisation exceptionnelle. Techniquement ahurissant jusqu’à être précurseur sur plusieurs aspects il tient haut les reines du triple voir quadruple A, arrivant même à nous proposer un gameplay qui va au-delà du bourrinnage intensif.
En tant que blockbuster vidéoludique, je crois que nous tenons là un jeu indispensable, en tant que pur beat em all/jeu d’action ce n’est pas encore God Hand ou Devil May Cry 3 … mais c’est déjà pas mal.
Points positifs :
– Graphiquement sublime
– Mise en scène inspiré et plan séquence maîtrisé
– Aucun temps de chargement
– Les thèmes bien traités
– Un gameplay enfin intéressant pour le genre
– Atreus, tout sauf un boulet
Points négatifs :
– Manque de variété des ennemis
– Peu de boss pour un God of war
– La quête en elle même ne raconte finalement pas grand chose
– Les menus assez confus
très bon test ! Nuancé et détaillé sur la partie gameplay/mécaniques de combats/combos/exploit’… etc contrairement a 95% de la presse JV 😉 ça fait plaisir de ne PAS voir un 10/10. (et je te rejoins sur le score final et les remarques)
(j’aurai bien édité le com’ précédent pour le rajouter, mais pas moyen… => il faudrait justifier le texte)